En parler avec les frères et sœurs ?
Quand vous réfléchissez à ce que peuvent ressentir vos autres enfants, vous tentez sans doute de vous mettre « à leur place ». Vous leur prêtez alors les sentiments que vous auriez pu ressentir vous-mêmes et les questions que vous vous seriez posées.
Mais, avant de réaliser que son frère ou sa sœur est atteint d’une déficience, chacun de vos autres enfants ressent sans doute aussi les émotions que cela provoque chez vous. Il constate, par exemple, votre changement de comportement, vos silences, vos nouvelles préoccupations quotidiennes ou votre désarroi. Vous êtes bouleversés et il a besoin d’en saisir la raison.
Il peut se sentir incapable de mettre des mots sur ce que lui-même ressent. Tant de questions qui, peut-être, restent sans réponse. Pourtant, il a besoin de comprendre ce qu’il vit et de partager ses propres émotions.
Il se peut aussi que votre enfant n’ose pas se confier à vous. Il sait combien cela vous touche. Il peut penser qu’en amenant ces questionnements, il ravivera la douleur alors qu’il a envie de vous consoler.
De votre côté, en parler avec lui n’est pas si simple non plus. Vous avez peut-être peur de le blesser, peur de ne pas en parler avec les bons mots. Vos émotions sont éventuellement encore trop fortes ou trop mélangées pour que les mots trouvent leur chemin. Pourtant, en reconnaissant combien c’est difficile pour vous, vous pouvez lui offrir cette confiance et cette sécurité dont il a besoin. Vous lui permettrez alors de mettre des mots sur ce qu’il vit et de prendre sa place dans les relations familiales.
Eva (12 ans) :
« Au tout début je ne me rendais pas vraiment compte du handicap de mon petit frère. J’avais quatre ans. Je ne me rendais pas compte qu’il pourrait prendre de la place. Au début, au lieu de me dire qu’il était aveugle, on me disait tout le temps « Eva doucement, il ne te voit pas ». On n’employait jamais le mot « aveugle ». Du coup, je lui criais dans les oreilles. » 153
Une maman :
Très rapidement, nous avons eu la présence d’esprit d’expliquer aux sœurs que leur frère allait prendre beaucoup de place et que nous aurions moins de temps à leur consacrer. On leur a dit aussi que « Ce n’était pas prévu. On ne savait pas qu’il serait handicapé, mais que maintenant il est là, qu’on n’avait pas le choix et qu’il allait avoir beaucoup besoin de nous pour l’aider dans la vie ». Je me souviens encore très exactement des mots utilisés en conclusion, car nous les leur avons souvent répétés : « Nous aurons moins de temps à vous consacrer et il faudra apprendre à profiter de ces petits moments “rien que pour vous” ». Ces explications ont non seulement été très bien acceptées, mais elles ont sans doute contribué à resserrer les liens au sein de la famille. A leur tour et tout naturellement, ses soeurs se sont mises à l’aider, le stimuler. 146
…Comme nous sommes une association de familles, nous voyons surtout des parents, commente la psychologue Hélène Davtian. Or, nous nous sommes rendu compte que les frères et sœurs ne parlent pas en présence de leurs parents. » Résultat : en 2003, la clinicienne a mené une enquête auprès de six cents frères et sœurs de personnes psychotiques, âgés de 10 à 79 ans [1]. D’après l’étude, 60 % des sondés réclament davantage d’information sur la maladie qui touche leur frère ou sœur. L’enquête constate aussi « les retentissements importants de la maladie de leur frère ou sœur sur eux-mêmes » ; « leur difficulté à demander de l’aide pour eux-mêmes » et « leur difficulté à se situer par rapport à l’équipe soignante de leur frère ou sœur malade ». « Leur difficulté à demander de l’aide pour eux-mêmes » et « leur difficulté à se situer par rapport à l’équipe soignante de leur frère ou sœur malade ». 147