Aborder en famille la question de l’avenir

Votre f/s a sans doute des contraintes qui le destinent à un avenir différent de la majorité des personnes. La nature et la gravité de sa déficience déterminent la manière dont il peut ou non se projeter dans l’avenir et dont il peut ou non en parler.

Il a peut-être des rêves qui le mobilisent et qui le font avancer dans la vie. Mais il éprouve sans doute aussi des frustrations face à ses limites… Il peut y avoir entre vous un malaise qui vous freine dans le partage de vos projets respectifs.

Si son autonomie est fort limitée, vous vous demandez peut-être ce qui arrivera quand vos parents ne pourront plus répondre autant qu’aujourd’hui à ses besoins. Qui devra prendre leur relais ? Les responsabilités seront-elles équitablement réparties au sein de la fratrie ? Il est parfois bien difficile d’aborder le sujet ouvertement.

Parler de l’avenir du f/s en situation de handicap, c’est directement ou indirectement aborder des sujets qui sont tabous dans beaucoup de familles, comme le vieillissement et le décès des parents, ou l’éparpillement de la fratrie. C’est aussi prendre conscience qu’on sera toujours le frère ou la sœur d’une personne peu autonome. Enfin, c’est prendre le risque de mettre à jour des divergences de vue, des critiques, des souffrances. Et c’est parfois à cette occasion que l’on découvre, au sein de la famille, des tensions relationnelles insoupçonnées.

Confronter les attentes et aspirations des uns et des autres (parents, frères et sœurs), permet d’ouvrir un dialogue indispensable pour que les réalités de chacun soient reconnues et prises en considération. Même si des paroles douloureuses peuvent être dites, c’est peut-être le moyen le plus sûr de fonder la solidarité familiale sur des bases saines pour le futur.

Louis, 52 ans :
Avoir une sœur handicapée ne m’a posé aucun problème. Pourtant, Dieu sait si le handicap de Martine était difficile à gérer… Pour mes parents, tout enfant était un don du ciel. Jamais mes parents ne m’ont dit qu’elle était handicapée, pour eux elle était juste différente. Mes parents ne se sont jamais sentis coupables d’avoir un enfant handicapé ni de l’imposer à la fratrie. Dans une famille, on se serre les coudes et on s’occupe des plus faibles. Jamais mes parents ne nous ont dit, à mon frère et à moi, que nous avions le droit de laisser tomber Martine.
Aujourd’hui mes parents sont décédés et Martine vit depuis longtemps dans une institution, mais nous nous relayons toujours pour qu’elle passe le week-end et les fêtes en famille. Parfois c’est un peu une corvée car je préfèrerais faire autre chose… alors je me dis que si cela m’était arrivé à moi, j’aurais bien été content d’être né dans une famille comme la mienne, où les choses se vivaient simplement. Peut-être que pour mes parents ce n’était pas si simple que cela car il y avait de tas de choses qu’ils ne pouvaient pas faire avec Martine. (7)


Jean-Louis, cadet d’une fratrie dont une des filles a un handicap :
Ayant été le dernier de la famille, j’ai été soustrait aux charges que représentait de superviser la toilette, l’habillement, chose qui n’a pas échappé à ma sœur aînée… Cette sorte d’immunité associée aux absences de réponses m’a alors décidé à m’enfermer dans une sorte de cocon. » Le retour à la réalité aura tardé, cependant il est arrivé, presque inexorablement. Aussi, des années plus tard, « après une course folle dans l’absurde », Jean-Louis finit-il par s’entendre dire par l’aînée de la fratrie : « Pour Françoise, on est impliqué à 50/50 alors tu prends tes responsabilités et tu les prends maintenant ! « (125)


Eléonore, 23 ans :
Je ne sais pas de quoi demain sera fait mais je sais que je veux que ma sœur soit toujours la plus épanouie possible. Il faudra que je trouve le meilleur équilibre entre ma propre vie et la sienne. Mais je suis sûre que cela est possible. Nous commençons tout doucement à en parler avec ma famille, et heureusement, mes parents regorgent d’idées pour offrir à ma sœur le plus bel avenir possible. Quand ils ne seront plus là, je sais que j’aurai d’autres gens auprès de moi pour m’aider à faire en sorte que ma sœur soit la plus épanouie possible. C’est très rassurant de ne pas se savoir seule face à cela. (144)