Ma vie sociale ?

Quand des parents reçoivent une annonce de diagnostic, c’est également tout le cercle des relations et amis qui est concerné. Cet événement inattendu vient ébranler une grande partie des repères de leurs proches. Or, ils sont aussi des acteurs importants, même si leurs réactions ne sont pas toujours celles que l’on attendait d’eux.

Cela dépendra tout autant du type de relations qui étaient nouées auparavant, que de l’histoire de chacun. Les grands-parents, les frères et sœurs mais aussi les amis, tous réagiront en fonction de leur propre fragilité. Certains risquent de s’éloigner, d’autres vont se rapprocher. Et on sera parfois très surpris. De la même manière que vos priorités changent, les points communs avec vos proches vont aussi se modifier.
Face à cela, certains parents auront tendance à vouloir se replier sur eux-mêmes et sur leur enfant, à ne rien dire, les mots étant trop difficiles à trouver. Cet état d’esprit peut contribuer à un certain isolement.

Mûris par ce qui leur arrive, des parents n’auront plus d’affinités avec certains de leurs amis ou, au contraire, s’en rapprocheront. Ils pourront parfois faire de nouvelles rencontres, par exemple avec d’autres parents qui ont vécu une situation semblable et avec qui il peut être plus facile de partager ce qu’ils vivent.t

Thierry, papa de 3 enfants dont Cynthia, 13 ans, atteinte d’amyotrophie spinale :

Je ne passe plus une journée sans me rappeler que, sans la maladie de Cynthia, je n’aurais pas été publié. Est-ce que les gens qui m’entourent auraient été si proches sans le handicap ? Je n’ai aucune réponse. Le doute ronge. Être publié était mon rêve d’enfant. Et aujourd’hui, je me dis que cela ne me serait jamais arrivé sans le handicap de ma fille. En fait, en dehors de la maladie de ma fille, j’ai une vie rêvée : des copains qui m’adorent et que j’adore, un bouquin que personne n’ose critiquer puisque ce serait critiquer le handicap… Du coup, aujourd’hui, je suis tantôt sur un nuage, tantôt en enfer. Avant, j’arrivais à être sur terre de temps en temps. 163


Mariette, maman de 4 enfants dont François, 13 ans, polyhandicapé :

La douleur engendre la solitude. Quand on souffre trop, on ne peut plus créer de relations. Donc, on se retrouve seul. Quand tu te casses une jambe, la douleur est telle que tu ne peux pas parler avec ton ami. Tu es seul avec ta douleur. Quand tu es parent d’un enfant handicapé, c’est pareil. Si toutes tes relations étaient superficielles, tu ne peux plus t’appuyer sur elles. Si les seuls liens que tu avais avec tes amis se créaient autour du ski, par exemple, le jour où tu ne peux plus en faire parce que ton enfant te demande une vigilance de tous les instants, eh bien, c’est douloureux. Car il n’y a pas de partage possible hors du ski. Le handicap, ça décape, ça met à nu les relations.(…) Ce que l’annonce du handicap de mon fils a profondément modifié, ce sont les rapports sociaux. Je ne supporte plus les rapports faux et superficiels. Je n’ai plus envie de parler du dernier restaurant à la mode. J’ai envie d’échanger sur la vie, le bonheur, sur les choses qui font sens. Les conversations de salon m’épuisent. Les temps qui ont suivi l’annonce, j’étais même incapable de dire « bonjour » poliment. 164


Anne, Maman d’Aglaé :

On n’oublie pas. Quand on se retrouve entre parents d’enfants handicapés, je suis toujours étonnée de la qualité des échanges qui s’opèrent. Les gens parlent vrai, se racontent même à des personnes qu’ils connaissent à peine. Ils savent qu’ils peuvent dire des choses que les autres parents, ceux d’enfants sains ne saisissent pas toujours, il y a cette assurance : entre nous, on se comprend. Lors de ces échanges, tous les parents que je rencontre me parlent de la façon dont on leur a annoncé le handicap de leur enfant. Même des années après, ils se souviennent des mots, de la manière, des couleurs des murs parfois, de détails infimes. C’est dire à quel point on reste marqué toute sa vie par cette annonce. Bien sûr on continue à vivre avec ça, le temps passe et on y pense moins, mais dans un petit coin, cette chose, cette annonce reste présente et liée à une douleur, une blessure très profonde.165


Ldidou :

Rentrée à la maison, je me suis construit un mur que personne, même pas ma famille, ne pouvait franchir. A chaque fois qu’ils appelaient pour me parler, c’était le père de David qui répondait. Je n’aurai pas supporter les phrases du genre « on est là », « on comprend » ou pire « c’est pas grave ». Personne ne peut comprendre cette douleur sans être passé par là. Je me souviens même avoir souhaité que David meure, je souffrais trop, j’avais l’impression que je sombrais dans un gouffre de douleur sans fond. (Après j’ai su que cela faisait partit du processus du deuil de l’enfant parfait imaginé pendant la grossesse). 138