Une relation (pas) comme les autres ?

Le rôle de la famille est essentiel dans la formation de la personnalité. Les relations entre frères et sœurs font partie de ces expériences qui laissent en nous des traces indélébiles. Et chaque relation est unique parce qu’elle se tisse entre deux personnes uniques.

Parce que votre f/s a encore plus de particularités liées à son handicap, votre relation est sans doute… encore plus unique. Plus ou moins éloignée des repères habituels, elle doit trouver son chemin.

Il ne vous comprend pas ou ne vous voit pas, ne vous entend pas ou s’exprime difficilement ? Il semble vivre dans sa bulle ? Votre comportement avec lui a dû s’adapter à ses besoins. Vous vous connaissez sans doute tellement bien que vous arrivez à communiquer ensemble, à votre façon. A l’occasion, vous êtes peut-être même pour lui un précieux « interprète » vis-à-vis des personnes qui le connaissent moins bien.

Cette relation peut être très ou trop accaparante, fusionnelle… Il est parfois bien compliqué de trouver une juste distance qui permette à chacun d’être lui-même. Mais une distance vient parfois s’imposer d’elle-même, lorsque les chemins se séparent suite à une orientation vers une structure spécialisée. Quand on perd le contact au quotidien, la relation peut parfois s’appauvrir.

Une relation est rarement à sens unique. Vous apportez certainement beaucoup à votre f/s. Et, malgré les difficultés (parfois grâce à elles), vous apprenez sans doute aussi beaucoup au travers de cette relation. Face aux situations compliquées, vous développez des ressources inhabituelles.

Vous admettez peut-être à votre f/s des qualités qu’il vous a transmises et vous lui en êtes reconnaissant. Mais parfois, les défis sont trop lourds, les émotions sont trop difficiles à vivre, et cela peut masquer, freiner ou même empêcher les enrichissements réciproques.

La relation entre vous n’est sans doute pas égalitaire, comme peuvent l’être ou le devenir les autres relations fraternelles. Et même si elle est peut être très riche, vous pouvez aussi éprouver une sensation de manque. Surtout si vous n’avez pas d’autres f/s, vous pouvez avoir l’impression d’être enfant unique, élevé aux côtés d’un autre enfant unique.

Eléonore, 23 ans :

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui n’ont jamais fait passer le bonheur d’un de nous avant celui des autres. Bien sûr, il y a eu maintes situations où ma petite sœur handicapée était jalouse de mon frère ou de moi parce qu’elle ne pouvait pas faire les mêmes activités que nous (soirées, shopping avec des amis,…) mais mes parents ont toujours eu le réflexe de nous dire de ne pas nous sentir coupables par rapport à elle. Ils nous ont toujours laissé faire ces activités normalement et ont ensuite essayé de trouver des solutions adaptées pour que ma petite sœur puisse les vivre aussi. Nous n’avons donc jamais été limités dans ce que nous pouvions faire sous prétexte de ne pas faire de jalousie par rapport à ma petite sœur. Pour réduire cette jalousie, je consacre aussi souvent une après-midi par mois à ma petite sœur afin qu’elle se sente valorisée et surtout, afin que nous puissions passer un moment privilégié entre sœurs, comme dans toute fratrie ordinaire. (1)


La sœur de Renaud :

Très souvent papa me disait : « Tu ne dois pas être gênée de ton frère ». Mon problème c’est que je ne l’accep… enfin pas accepter, ce n’est pas un bon terme, mais c’est que j’ai beaucoup de chagrin que mon petit frère soit comme il est, différent. Je sentais devoir le protéger. Alors quand il a été accepté dans la même école que la mienne, j’étais très attentive à lui et le moindre regard un peu moqueur de la part d’un autre enfant, je ne le supportais pas. Cela me fâchait intérieurement. En même temps, je ne recevais personne à la maison. Je n’ai jamais demandé à inviter une copine. Au fond, j’étais protectrice et en même temps gênée par mon petit frère. (104)


Eva, 12 ans :

Je crois que c’est vraiment vers 6 ans que j’ai commencé à comprendre qu’il n’était pas tout à fait normal et que cela pouvait être parfois dur pour moi. Je crois que c’est vers 6 ans que j’ai commencé à être légèrement jalouse de lui, en fait. Je me souviens, quand j’étais petite, j’avais absolument envie d’être grande sœur, comme Mathilde, parce que je voulais aussi quelque part toujours la prendre comme modèle, donc la copier et quand je me suis vraiment rendu compte que Lou était aveugle, j’ai été un petit peu déçue. Mais maintenant je me dis que ce n’est pas parce qu’il est différent que ce que j’imaginais que ce n’est pas mon petit frère et je suis quand même grande sœur, donc je dois quand même m’occuper de lui. Je ne dois pas, si je dois, mais je le fais aussi si j’ai envie, je ne m’oblige pas à l’aider, c’est naturel pour moi. (105)


La sœur de Pablo (atteint d’un handicap à l’âge de 18 ans) :

Depuis l’âge de 12 ans, j’ai vécu avec un frère handicapé : Pablo. J’ai toujours été de plain-pied avec le problème du handicap physique, il y avait toujours une entraide entre nous qui semblait aller de soi, Pablo défendait farouchement son autonomie et j’ai appris ainsi à « faire avec et non à faire pour ». Je me sentais dans son camp et refusais l’aide que des personnes bien intentionnées nous proposaient. Cela se faisait naturellement et dans la bonne humeur propre à notre jeunesse. (47)


Anonyme :

C’est vrai que la place que j’occupe par rapport à mon frère est bizarre. Il ne marche pas, il ne peut pas aller voir des copains comme moi ; du coup, son handicap me déstabilise. J’occulte sa maladie, même si elle est présente. Je ne veux pas accabler mes parents et je reste le plus discret possible. (100)


Eléonore, 23 ans :

J’ai un lien très fort avec ma petite sœur Mathilde. Un lien très particulier nous connecte, un lien presque maternel. On a forcément une relation très différente de celle que je pourrais avoir avec elle si elle n’était pas handicapée mais au final, je n’échangerais cette relation pour rien au monde. Mathilde est attentive à chaque détail, me donne une tonne d’amour à chaque fois que je la vois. C’est la seule personne au monde à remarquer quand j’ai coupé mes cheveux d’un demi-centimètre ou quand j’utilise un nouveau mascara. C’est la personne la plus courageuse que je connaisse, en fait, je pense que c’est un peu mon modèle. Elle m’apprend à apprécier chaque instant même les plus anodins, elle m’apprend à relativiser, à être optimiste et à regarder autour de soi pour profiter au mieux de ce que l’on a la chance d’avoir. (106)