Votre vie de famille ? Pas simple et pourtant…

Comme d’autres frères et sœurs, vous vous dites peut-être que le handicap n’a pas empêché le bonheur d’entrer dans la maison ! Combien de bons moments partagés au quotidien, dans l’oubli des soucis liés au handicap !

Et en même temps, vous vous dites peut-être, au contraire, que le handicap a freiné ce bonheur ! Combien de moments de détresse ou de colère partagés ou tus au quotidien, dans la tension et la dépression liées au handicap.

L’expérience du bonheur peut tout à fait coexister avec la colère, la détresse et l’effacement de soi. Et une expérience au départ difficile peut aussi avoir des effets positifs par la suite.

Eléonore, 23 ans :
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui n’ont jamais fait passer le bonheur d’un de nous avant celui des autres. Bien sûr, il y a eu maintes situations où ma petite sœur handicapée était jalouse de mon frère ou de moi parce qu’elle ne pouvait pas faire les mêmes activités que nous (soirées, shopping avec des amis,…) mais mes parents ont toujours eu le réflexe de nous dire de ne pas nous sentir coupables par rapport à elle. Ils nous ont toujours laissé faire ces activités normalement et ont ensuite essayé de trouver des solutions adaptées pour que ma petite sœur puisse les vivre aussi. Nous n’avons donc jamais été limités dans ce que nous pouvions faire sous prétexte de ne pas faire de jalousie par rapport à ma petite sœur. Pour réduire cette jalousie, je consacre aussi souvent une après-midi par mois à ma petite sœur afin qu’elle se sente valorisée et surtout, afin que nous puissions passer un moment privilégié entre sœurs, comme dans toute fratrie ordinaire. (1)


Jean-Yves Leloup :
Ce chemin difficile qui fut le mien, celui de mon frère, celui de ma mère, fut peut-être aussi notre chance. Notre chance de trouver l’humain dans l’humain, de ne pas vivre sur de fausses valeurs, notre chance de plus grande conscience, car il y a des lieux de nous-mêmes qui n’existent pas tant que la douleur et l’amour n’y ont pas pénétré. (2)


Benjamin, 28 ans :
J’ai la chance d’avoir vécu dans une famille où mon frère et moi avons chacun eu notre place. J’ai compris très vite ce qui se passait, en quoi mon frère était différent des autres et ce qu’était mon rôle de grand. Je m’occupais d’Antoine, je lui racontais des histoires, et nous jouions ensemble. J’aimais sortir avec lui, même si ce n’était pas évident de gérer le regard des autres dans la rue. Je ne le faisais pas parce que mes parents me le demandaient, pas parce que je me sentais le devoir de le protéger et de prouver que ce genre de sortie était possible. Il m’arrivait aussi de sortir seul et mes parents ne m’ont jamais rien imposé. Ils ont toujours fait en sorte que ma présence ne soit pas indispensable au quotidien d’Antoine, notamment pour favoriser son autonomie future. Je vis aujourd’hui à Paris, loin de mon frère, que j’appelle chaque semaine. J’ai besoin de l’entendre, de savoir comment il va et de lui dire que je l’aime. (3)


Anonyme, qui a un frère de 18 ans, atteint du syndrome X fragile :
Ce qu’on ignore, ou ce qu’on ne veut pas admettre, c’est que quand il y a du handicap mental tout le monde prend sa dose de souffrance : les parents, la fratrie, tout le monde porte. Alors, bien sûr, ce n’est pas non plus du Zola tous les jours hein, faut pas déconner. On s’habitue au handicap. On apprend à vivre avec. Et puis on s’aime. J’aime mon frère plus que tout et surtout je l’aime comme il est. Mais la société est encore en retard, frileuse et discriminante vis-à-vis des handicapés. (4)


Marine, 18 ans, d’une fratrie de six enfants, dont la dernière, Jeanne, présente une trisomie :
Je suis très attachée à Jeanne. C’est ma petite sœur, et je ne vois pas son handicap. On s’amuse, on se taquine, on rigole… Et elle m’apporte beaucoup d’affection. Il faut passer beaucoup de temps avec elle, ce qui me rend plus attentionnée, plus serviable. Elle m’a ouvert sur le monde des handicapés et m’a fait comprendre qu’ils pouvaient être heureux. Elle est gaie, pleine de joie de vivre. Elle me permet d’aborder la vie de manière plus simple, de relativiser les soucis quotidiens. Elle m’a peut-être fait grandir plus vite, mais elle me permet de rester aussi un peu une enfant. Pour l’instant, je ne vois que les avantages. Et je ne pense pas beaucoup à l’avenir. Jeanne fait partie de ma vie et elle en fera toujours partie : elle sera toujours ma petite sœur. (5)