Peut-on être heureux d’accueillir cet enfant ?

Les témoignages qui suivent sont autant de réponses à cette question. Ces parents, parfois isolés, ne sont pas des « surhommes ».

Ils ont aussi vécu la tristesse ou la révolte face à l’annonce, parfois aussi le découragement. Mais la volonté de dépasser le regard du handicap sur leur enfant et leur bonheur d’être parents leur ont permis de trouver l’énergie et la volonté de vivre avec cette réalité.

Seiichi :
« Je suis un papa de 3 enfants dont une petite fille de 3 1/2 ans avec un retard psychomoteur important et de deux garçons de 5 ans et 8 mois.
L’annonce du handicap de la petite louloute a révélé une partie de ma personnalité. Evidemment ça n’arrive qu’aux autres, évidemment, j’étais bourré d’idées reçues sur le malheur des autres et sur la différence.
Je n’irai pas dire que c’est facile, que la vie est plus belle avec un enfant handicapé. Oui c’est lourd, mais pas difficile à porter, c’est d’avantage une force qui donne une ouverture d’esprit à une famille et ouvre la porte à des sentiments et des considérations jusqu’alors inconnus ou volontairement mis de côté.
Malgré les repas épuisants pour qu’elle mange un peu, malgré les nuits ininterrompues qui n’existent plus, malgré les mois tous chargés d’au moins une visite à l’hôpital et les consultations quotidiennes des spécialistes, le bilan de cette vie tumultueuse avec 3 enfants est magnifique. Je ne regarde plus le parcours scolaire des enfants, je ne cherche pas le diplôme le plus réputé, je veux simplement le bonheur des enfants. Alors se lever chaque matin à 5h30 et « s’arracher » pour leur donner du bonheur n’est qu’un tout petit sacrifice qui semble leur fournir une joie de vivre inestimable à mes yeux. On peut positiver même avec le handicap, ce n’est pas une fatalité. » 94


Jacques et Christine :
« Pauline est sourde et muette, épileptique et paralysée. Son âge mental ne dépasse pas 3 ou 4 ans. Les trois premières années auront sans doute été les plus douloureuses, car jour après jour, nous découvrions de nouvelles séquelles de la méningite.
Nous voulons seulement dire qu’une personne handicapée peut beaucoup apporter à la société. Une capacité à vivre l’instant, à relativiser dans les difficultés, à rebondir toujours. J’aime ce que disait Mère Teresa, de Calcutta : « La vie est un combat, accepte-le ; la vie est une aventure, ose-la”.
Nous ne sommes pas des anges, encore moins des saints, mais, pour nous, il n’y a pas de vie, aussi blessée soit-elle, qui ne mérite d’être vécue. Et puis notre Pauline a le plus beau sourire du monde… » 100


Annie :
« Dans cette histoire, il y a le père, la mère (moi), et les trois enfants âgés de seize à vingt-deux ans. Celui du milieu est « notre bébé géant » : handicapé moteur et cérébral de naissance, Frédéric a la taille d’un adulte de vingt ans, mais le comportement d’un petit de six mois – il ne marche pas, il ne parle pas, il nous regarde et… Comment résister à son sourire ? Depuis sa naissance, notre histoire a eu des hauts, des bas, c’est évident.
Le choix que nous revendiquons, ma tribu et moi-même, c’est que cette histoire ne soit pas triste. Des problèmes, il y en a, de l’énergie, il en faut, on le sait. Cela ne nous empêche pas de vivre, de rire, de nous en sortir, tous ensemble. Le grand frère et la petite sœur de Fred participent avec entrain à l’organisation quotidienne des gardes, le père sait calmer les esprits échauffés, la mère organiser des fêtes mémorables dans la cour de l’immeuble… On s’amuse beaucoup, on se déguise, on chante… Ne faut-il pas vivre, et bien vivre, avec ce que la vie nous offre de bonheurs et de malheurs ?
Et quand le moral vient à flancher, nous regardons Frédéric : lui, que ça aille bien ou pas, de toutes façons, s’il a envie de s’éclater, il s’éclate ! Alors très vite, nous reprenons espoir. » 101


Isabelle Gross :
Je dirais que la vie n’est pas sans épreuves, que c’est dur parce qu’il faut les surmonter, mais on est riche tous les deux, riche par rapport aux parents qui n’ont pas d’emmerdes ! 91



Sophie (Maman) :

Tous ces jours, toutes ces heures où j’ai bercé ma Juliette à l’hôpital m’ont permis de développer un lien tellement puissant qu’il m’est difficile de le mettre en mots… Son regard… Un regard à faire chavirer. Elle m’a toujours regardé droit dans les yeux. Comme si elle lisait mon âme. 92