Avec qui en parler

La psychanalyse Françoise Dolto disait : « Nous sommes tous sur la planète Taire ». Dans cette épreuve, le silence et le secret peuvent devenir vos pires ennemis.

Le dialogue au sein du couple confronté à un diagnostic anténatal de déficience est essentiel pour que la décision soit partagée par les deux parents et portée ensemble. Établir le dialogue, s’assurer que vous détenez les mêmes informations, et que vous les comprenez de la même manière. C’est aussi parler des émotions, tenter de se comprendre, de se respecter, de s’aider mutuellement. Et c’est enfin mener le plus loin possible un échange sur des questions que l’on se pose. Ce dialogue, lorsqu’il aboutit à un tel partage, peut renforcer un couple et l’aider à prendre son destin en mains.

Pourtant, certains couples rencontreront de grandes difficultés à dialoguer à cause de leur différence de réactions. Confrontés à trop d’émotions, certains auront le besoin d’en parler, d’autres se sentiront incapables de s’exprimer, de mettre des mots, d’autres encore auront tendance à se retirer dans le silence et le mutisme. D’autres enfin n’oseront pas exprimer leur détresse pour ménager leur conjoint(e). Enfin, face à une décision aussi importante, chacun peut passer à tout moment d’une décision à l’autre.

Si vous êtes seule ou si vous souhaitez en parler en dehors du couple, vous pouvez aussi vous tourner aussi vers des personnes de votre entourage. Le sujet est très sensible et nécessite beaucoup de tact et de confiance. Certains proches pourraient vous décevoir en évitant le débat ou en se sentant incapables de vous aider, parce qu’ils sont eux-mêmes trop éprouvés par la nouvelle ou trop choqués par certains de vos questionnements. Ne vous laissez pas envahir par les sentiments des autres, évitez les personnes qui sont trop maladroites ou qui tentent de vous imposer leur choix et rapprochez-vous de celles qui vous font du bien.

Au sein de l’équipe médicale qui suit votre grossesse, vous pouvez aussi trouver une personne avec qui vous pourrez établir un lien privilégié de confiance. A défaut, l’équipe pourra sûrement vous guider vers d’autres professionnels ou, si vous le souhaitez, vers des associations.

Au final et quel que soit votre interlocuteur, personne ne devrait se permettre de vous juger ou chercher à tout prix à influencer votre choix. Vous avez sans doute surtout besoin d’écoute, de reformulation de ce que vous exprimez pour vous aider à être plus au clair avec vous-même.

Anonyme :

La réaction de mon épouse a été bien différente de la mienne. Comme si le fait de l’avoir porté dans son ventre avait tissé des liens que rien ne romprait. Bien que notre enfant ait de multiples déficiences (sensorielles, mentales et hormonales), elle a réagi dès l’instant du diagnostic avec calme et positivisme : « On n’a pas à se plaindre. Il y a pire souffrance dans la vie ». Et rien, année après année, n’a infléchi son comportement vis-à-vis de lui. En ce qui me concerne, la réaction a été tout autre. J’en ai voulu au monde entier, à la vie, à un Dieu hypothétique. « Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? ». Il m’a fallu six ans et deux épisodes de grande dépression, pour que j’arrive à passer de la colère et de la révolte, à l’apprivoisement de sa réalité et à un engagement de tous les instants pour son futur au sein du tissu associatif. 135


M. Gargiulo :

« Cette épreuve, bien que douloureuse, pourra donner à leur vie une épaisseur insoupçonnée. Le couple doit prendre une décision essentielle, sur laquelle il ne pourra pas revenir. En conséquence, les échanges vont souvent aborder des sujets fondamentaux qui touchent à la condition humaine, à ce qui constitue la valeur de la vie : à quelles conditions elle vaut d’être vécue, aux droits d’un parent de décider de la vie d’un enfant, de choisir pour lui et de déterminer pour soi ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. L’intervention du psychologue clinicien permet la mise en œuvre de ce travail psychique et d’un ajournement destiné à lutter contre l’urgence de la décision. » 136