Aurez-vous un jour votre propre vie ?

Vous vous demandez peut-être si vous arriverez à tracer votre propre route, à faire des choix de vie personnels, indépendants de votre statut de frère ou de sœur.

Aurez-vous alors le sentiment de laisser tomber votre famille ? Serez-vous soutenu par vos parents dans votre volonté d’indépendance ? Craignez-vous que votre f/s ne souffre trop de vous voir réaliser des rêves qui lui resteront peut-être inaccessibles ?

L’évolution d’une famille et de chacun de ses membres est le résultat de relations très complexes et nécessite constamment un ajustement de chacun. Sans en être conscients, certains parents ont du mal à accepter qu’un de leurs enfants évolue moins vite et ils peuvent alors freiner les autres, bien involontairement. En grandissant, certains enfants peuvent s’empêcher de s’occuper d’eux-mêmes pour ne pas dépasser ou pour ne pas lâcher un f/s plus faible. Certains autres semblent prendre leur indépendance sans se soucier du reste de la famille, alors qu’en réalité ils ne trouvent pas leur place dans la cellule familiale.

Avec le temps, les enfants grandissent et doivent pouvoir déployer leurs ailes pour un jour quitter le nid. Votre famille va évoluer, les liens vont se modifier, les modes de vie vont se différencier. Si votre f/s ne peut pas devenir totalement autonome, il faudra qu’il puisse aussi tisser des liens de confiance avec d’autres personnes, aller vers un autre mode de vie qui pourra le rendre heureux. Cela se prépare longtemps à l’avance, en famille et en se tournant vers l’extérieur. Et vos parents ont un rôle important à jouer dans ce processus.

Sœur d’Alice :
Pour ma part, le quotidien avec le handicap d’Alice et les responsabilités qui m’incombaient sont devenus très pesants pendant mon adolescence. En plus d’aider activement ma mère à s’occuper d’elle, il me fallait supporter au collège le rejet et les moqueries de tous ceux qui ne me trouvaient pas assez sportive, trop « intellectuelle »… Vers quinze ans, mes parents ont réalisé le poids que c’était pour moi. Cela peut vous sembler tardif mais je ne leur en veux pas, cela s’est fait comme ça, c’est tout. Ils m’ont alors encouragée à prendre de la distance sans culpabiliser.
J’ai donc décidé de partir de chez ma mère, ce qui m’a permis de retrouver ma place de grande sœur. Mon départ en internat puis chez mon père nous a rapprochées, avec Alice, et nous sommes désormais très complices (…) Si vous éprouvez le besoin de prendre vos distances, FAITES-LE. Personne ne vous jugera. C’est une situation difficile à vivre, et vous n’êtes responsable ni de votre frère/sœur, ni de vos parents. Ne vous sacrifiez pas pour eux – ça ne rendrait service à personne, car vous finiriez par leur en vouloir. Et par culpabiliser de leur en vouloir… (18)


Benjamin, 28 ans :
J’ai la chance d’avoir vécu dans une famille où mon frère et moi avons chacun eu notre place. J’ai compris très vite ce qui se passait, en quoi mon frère était différent des autres et ce qu’était mon rôle de grand. Je m’occupais d’Antoine, je lui racontais des histoires, et nous jouions ensemble. J’aimais sortir avec lui, même si ce n’était pas évident de gérer le regard des autres dans la rue. Je ne le faisais pas parce que mes parents me le demandaient, pas parce que je me sentais le devoir de le protéger et de prouver que ce genre de sortie était possible. Il m’arrivait aussi de sortir seul et mes parents ne m’ont jamais rien imposé. Ils ont toujours fait en sorte que ma présence ne soit pas indispensable au quotidien d’Antoine, notamment pour favoriser son autonomie future. Je vis aujourd’hui à Paris, loin de mon frère, que j’appelle chaque semaine. J’ai besoin de l’entendre, de savoir comment il va et de lui dire que je l’aime. (3)